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27/12/2013

Jean Rustin, la leçon de peinture.

Le 24 décembre 2013, Jean Rustin est mort.

Chacun s'accorde à reconnaître maintenant l'oeuvre majeure de ce peintre qui reste cependant en deçà d'une réelle célébrité et des frontières du médiatisable.

 Cette discrétion est souhaitable car aucun tintamarre, aucun résumé réducteur de son parcours de peintre, de "l'inquiétante étrangeté" de ses tableaux comme de la non moins inquiétante familiarité qu'ils nous renvoient en miroir, ne sauraient servir un homme qui ne cherchait ni la gloire ni les honneurs, ne courrait pas les salons où l'on cause, et se distinguait par son humilité et sa gentillesse, une forme de simplicité du coeur et du langage, celle qui n'appartient qu'aux trés grands.

Un peintre contemporain, ça existe?

Pas par le "grand" public, car l'oeuvre n'est pas commerciale, bien que remarquable et exceptionnelle. Si l'audience s'est élargie aprés avoir été longtemps limitée à quelques amateurs rares, la peinture de Rustin prête peu le flanc aux dérives décoratives et aux arrangements mondains.Elle va mal dans les salons et jure avec la couleur des rideaux. Il faut la cacher quand on reçoit.

Pas non plus par les institutions qui ne se sont guère intéressées à cette peinture si terriblement humaine et dérangeante, non conforme là aussi aux standards de l'art actuel dont le formatage procure plus d'ennui que de réels scandales.

Alors c'est la passion de quelques uns, individus et galeries, convaincus, qui ont permis que cette oeuvre advienne à elle-même et que vers la fin de sa vie Jean Rustin quitte le presque anonymat qui a été son lot pendant des années. La critique a retourné sa veste, changé ses adjectifs: le peintre "pornographique" est devenu un génie de la fragilité des hommes..

Jean Rustin, lui, n'a pas changé, il a continué à travailler tous les jours, et à vous répondre avec son petit sourire malicieux jusqu'à ce que le corps, non plus celui qu'il a peint à longueur de toile, mais le sien, le trahisse définitivement.

Ce corps exposé et nu pour dire la nudité de l'âme (les peintres doivent se servir de l'image sinon comment peindre l'âme et ses tourments) a fait scandale, a semblé provocant, désespéré, dément, honteusement obscène.  Pourtant c'est un miroir de ce que sans fard nous sommes et devenons chaque jour, cette chair fragile et pulsionnelle, interrogeant l'autre, parfois souffrante, parfois patiente, parfois jouissante, consciente (?) de son obsolescence programmée.

  Il s'est joué en haut de la tour d'un HLM de Bagnolet, dans l'atelier d'un peintre qui parlait doucement et nous montrait tendrement ce qu'on ne peut regarder en face,  une des plus importantes aventures picturales du XXeme siècle.

 

 

Femme allong-e.jpg

 

 

"Ma peinture est un discours silencieux, sans mots. Les descriptions ne tiennent pas compte de la tendresse et de l'amour que je porte à mes personnages dans mon travail. Ces corps nus que je peins, je les caresse et je les travaille jusqu'au moment où je suis moi-même fasciné par leur présence sur la toile, présence que toute la beauté de la peinture doit concourir à porter à son maximum d'efficacité. Et j'ai conscience qu'il y a derrière ma démarche d'aujourd'hui, derrière cette fascination du corps nu, vingt siècles - et bien plus - de peinture surtout religieuse - vingt siècles de Christ morts, de martyrs torturés, de révolutions sanglantes, de massacres, de rêves brisés, et que c'est bien dans le corps, dans la chair, que finalement s'écrit l'histoire des hommes, et peut-être même l'histoire de l' Art."

Jean Rustin

 

 

 

lien utile: fondation Rustin

"Ma peinture est un discours silencieux, sans mots. Les descriptions ne tiennent pas compte de la tendresse et de l'amour que je porte à mes personnages dans mon travail. Ces corps nus que je peins, je les caresse et je les travaille jusqu'au moment où je suis moi-même fasciné par leur présence sur la toile, présence que toute la beauté de la peinture doit concourir à porter à son maximum d'efficacité. Et j'ai conscience qu'il y a derrière ma démarche d'aujourd'hui, derrière cette fascination du corps nu, vingt siècles - et bien plus - de peinture surtout religieuse - vingt siècles de Christ morts, de martyrs torturés, de révolutions sanglantes, de massacres, de rêves brisés, et que c'est bien dans le corps, dans la chair, que finalement s'écrit l'histoire des hommes, et peut-être même l'histoire de l' Art."

 

"Ma peinture est un discours silencieux, sans mots. Les descriptions ne tiennent pas compte de la tendresse et de l'amour que je porte à mes personnages dans mon travail. Ces corps nus que je peins, je les caresse et je les travaille jusqu'au moment où je suis moi-même fasciné par leur présence sur la toile, présence que toute la beauté de la peinture doit concourir à porter à son maximum d'efficacité. Et j'ai conscience qu'il y a derrière ma démarche d'aujourd'hui, derrière cette fascination du corps nu, vingt siècles - et bien plus - de peinture surtout religieuse - vingt siècles de Christ morts, de martyrs torturés, de révolutions sanglantes, de massacres, de rêves brisés, et que c'est bien dans le corps, dans la chair, que finalement s'écrit l'histoire des hommes, et peut-être même l'histoire de l' Art."

 

Commentaires

Entouka, un hommage aussi intelligent et juste que ce texte vaut bien mieux que toute la reconnaissance mondaine !

Écrit par : Chloé | 30/12/2013

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