15/06/2012
sophora en sous-sol
En janvier de cette année, un grand arbre plus que centenaire a été abattu. C'était un SOPHORA, planté au siècle avant-dernier, et qui a vu passer des générations de citoyens de la ville de Beaumont, pas mal d'élus et de fonctionnaires territoriaux, abrité des oiseaux, des abeilles et des écureuils, donné de l'ombre, produit des fleurs et des gousses, perdu ses feuilles en hiver aprés tous les autres arbres et causé avec son voisin, sophora itou. On s'y est appuyé, on s'est assis sous les branches, on a tourné autour pour jouer, on l'a choisi pour poser avec les mariés. Une vie bien remplie.
Mais il est mort par décision collective et section mécanique; un seul jour pour découper en morceaux un arbre qui a mis 150 ans à pousser.
L'art ne guérit ni ne résssucite, il ne replante pas les arbres, ne remonte pas le temps; mais il rend visible une autre réalité, redit le monde, propose une autre vérité des choses.
Et c'est une image qui maintenant dit la mémoire de l'arbre, son statut de gisant éternel, jaune définitivement, tout entier reposé, qui resplendit, dans un sous sol municipal gris de béton; entier oui, si on le voit du bon endroit: l'image est anamorphique et hors du point de vue unique signé d'une croix au sol, le sophora est en morceaux, plus déformé et coupé que par la tronçonneuse.
Pour le voir, il faut donc une double clef: le badge qui ouvre le lieu et la connaissance de l'emplacement adéquat d'où le regard embrasse la forme unie. On peut, par négligence, par manque de temps pour lire l'affichette explicative, passer à côté et ne saisir que les giclées de jaune sur le gris du béton. Tant pis. Combien, auparavant, devant l'arbre vivant dans l'espace public le plus central qui soit, sont passés sans le voir?
une réalisation de l'association Formes et Couleurs
15:28 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anamorphose, beaumont, arbre, sophora, formes et couleurs
19/02/2012
anamorphose contemporaine
Felice Varini réalise depuis longtemps des peintures qui ne trouvent leur unité que d'un seul point de vue; l'anamorphose se la joue contemporaine et grand format, élaborée sur des espaces architecturaux complexes, des perspectives urbaines, des paysages. Les clichés sont généralement pris de ce point de vue unique, et on se demande alors s'il s'agit d'un montage; il suffit de se décaler légèrement et tout bascule, l'image s'éclafoire, le message pictural (signe, cercle, cible, ligne continue) se brouille dans une distorsion insensée des surfaces peintes.
Une drôle d'illusion est à l'oeuvre, et surtout, c'est le point d'où l'on se place pour regarder qui est en jeu et s'impose comme clef du mystère; bien relative est donc la "vérité" de ce qu'on voit, puisqu'elle dépend...du point de vue. La peinture donnerait-elle une leçon de philosophie?
Faisons un bond de quelques siècles en arrière vers la grande peinture "les Ambassadeurs" de Holbein le jeune, peinte en 1533; cette peinture est à Londres, dans la National Gallery. L'objet étrange du premier plan est une anamorphose; on n'en reconnaît le sens que d'un point trés particulier, et ce point n'est pas celui de la vision "normale" du tableau.
Les mêmes principes relient le travail de Varini (et d'autres artistes contemporains) et celui de Holbein, au XVIème siècle; le support, la forme et les moyens changent, mais le propos de la peinture est commun.
Cette magie n'a rien ...de magique, elle demande calcul et adresse, conception mûrie et imagination; elle ne se contente pas non plus d'être un tour de passe passe virtuose. Dans le cas de Varini, c'est aussi un long, patient et précis travail de peinture sur des surfaces qui n'ont pas toujours été prévues pour cela.
pour en savoir plus, et regarder des videos, le mieux est de visiter son site
Enfin je ne peux pas fermer cette note bien trop brève sur un pareil sujet sans vous renvoyer aux livres de Jurgis Baltrusaitis, un des historiens de l'art majeurs du XXème siècle, qui s'est intéressé de prés à la peinture des Ambassadeurs, ainsi qu'à l'histoire de l'anamorphose.
ci-contre, un schéma de construction pour une anamorphose cylindrique
(l'image sera lisible sur un miroir cylindrique, comme dans le dessin de Escher, ci dessous)
notez que le 6 mars, J P Dupuy, historien de l'art, viendra parler d'illusion et d'anamorphose, ici
ps: non, ne me dites pas que Holbein, lui, savait peindre. Allez plutôt voir en vrai, à la première occasion, une oeuvre de Varini, et on en reparle.
11:03 Publié dans actualités et infos arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anamorphose, varini, art contemporain, beaumont, formes et couleurs, ambassadeurs